La pollution plastique
Un poison nommé plastique
Le plastique, cet envahisseur parfois visible, est souvent invisible. Porté au gré des vents, des pluies, des courants, il constitue une pollution sans frontières, si bien que certains scientifiques parlent désormais de « plastosphère ».
Depuis 1950, nous avons produit 8,3 milliards de tonnes de plastique, dont 6,3 milliards actuellement dans la nature ou stockés dans des décharges.
Malgré́ cela, la production mondiale est en perpétuelle augmentation. La situation devrait s’aggraver encore car depuis 2010 de grands groupes gérant les combustibles fossiles (comme Exxon et Shell) investissent massivement dans de nouveaux projets qui pourraient contribuer à une augmentation de la production de plastique de 40 % dans les dix prochaines années !
La France a, quant à elle, affiché une augmentation de 7,8 % entre 2016 et 2017 ; près de la moitié de sa production sert à l’emballage.
Notons au passage l’ironie de l’usage que nous faisons de cette matière « durable » mettant des centaines voire des milliers d’années à se dégrader, et que nous utilisons pourtant à outrance en tant que « jetable ».
Les causes de cette invasion plastique dans notre environnement sont diverses. La mauvaise gestion des déchets fuitant dans la nature en est une.
ON ESTIME À 8 MILLIONS DE TONNES DE PLASTIQUE DÉVERSÉ CHAQUE ANNÉE DANS LES OCÉANS, SOIT L’ÉQUIVALENT D’UN CAMION BENNE DE PLASTIQUE… PAR MINUTE !
Ces fuites alimentent les « continents en plastique » (appelés « gyres » ou « vortex »), des amas de déchets flottants formant une « soupe de plastique ». Ils sont devenus l’étendard de la pollution endémique océanique ; ils ne sont pourtant que le sommet visible de l’iceberg. En effet, ils ne représentent que 1 % de la pollution plastique.
Une catastrophe « invisible »
Les micro et nanoparticules se logent partout et sont une catastrophe pour l’environnement, modifiant et asphyxiant les écosystèmes, impactant notamment le plancton. Ceci est préoccupant car les océans constituent le « deuxième poumon » de la planète, puisqu’ils fournissent 50 % de l’oxygène terrestre.
Il existe des micro-plastiques dits « primaires », qui sont directement fabriqués à cette taille ; vous en consommez peut- être sans le savoir. En effet, ils sont ajoutés sciemment par les industriels dans de nombreux produits d’usage quotidien comme les détergents (lessives), les cosmétiques (crèmes, shampooings, dentifrices, etc.). De plus ils transitent par nos canalisations via les eaux usées et finissent indubitablement leur course dans l’environnement.
Les micro-plastiques secondaires se forment par la dégradation de déchets plus grands (bouteilles, sacs, filets, etc.) sous les effets des UV, des micro-organismes ou par friction mécanique (par exemple, les fibres libérées par les vêtements synthétiques lors des lavages).
Conséquence de cette omniprésence dans notre environnement : nous consommons du plastique quotidiennement via l’eau que nous buvons (l’eau en bouteille étant en tête), les poissons, les fruits de mer ou encore la bière, le sel, le miel, etc. D’après une étude du WWF, nous ingérons jusqu’à 5 g de plastique par semaine, ce qui équivaut au poids d’une carte de crédit !
Des effets désastreux sur notre santé…
Nous ne connaissons pour le moment pas exactement les effets sur la santé, mais les études réalisées sur d’autres espèces animales s’avèrent plus que préoccupantes.
Les micro-plastiques peuvent être source d’exposition à des substances perturbant les cycles hormonaux (par exemple, les phtalates et autres bisphénols utilisés dans la fabrication des plastiques sont des perturbateurs endocriniens).
Par mesure de précaution, il est déconseillé de réchauffer les aliments ou de conserver les aliments gras dans des contenants en plastique, car cela favorise la migration des produits chimiques issus des plastiques.
La pollution plastique est une pandémie mondiale, un désastre environnemental et sanitaire constituant une bombe à retardement dont nous commençons à peine à mesurer l’ampleur.
Les plastiques et leur cocktail de chimie sont dangereux à bien des égards. Ils permettent par exemple aux agents pathogènes, comme le choléra, de s’y fixer, pouvant ainsi voyager au gré́ des courants marins.
… et pour tout l’écosystème planétaire
La pollution plastique a aussi un impact dévastateur sur les animaux. En effet, elle est responsable de la mort de 1,5 million d’animaux par an (selon l’IRD). Le WWF a recensé 270 espèces prisonnières dans divers débris, dont 240 ayant ingéré du plastique. On ne compte plus les macabres découvertes, notamment celles de cétacés retrouvés décédés, l’estomac saturé de plastique. Les plastiques constituent des pièges, sont source d’étouffement ou d’empoisonnement pour les animaux.
Selon Greenpeace, dans le monde, 44 % des espèces d’oiseaux, 43 % des mammifères marins et 86 % des espèces de tortues marines ont ingéré du plastique.
L’heure est à la « déplastification » générale
Les appels jadis lancés par les scientifiques et ONG peinaient à faire écho. Ils ont enfin été entendus !
Ainsi, depuis 2018, nombre de mouvements et actions citoyennes ne cessent de fleurir à travers le globe, comme les « Plastic Attack » ou les campagnes de ramassage de déchets, notamment.
Les différents acteurs associatifs, les actions menées par la société́ civile et la médiatisation de ce problème majeur ont contribué́ à l’éveil des consciences, forçant les pouvoirs publics à réagir, bien que les mesures prises soient pour le moment frileuses compte tenu de l’ampleur du problème.
Le plastique ne peut pas être recyclé à l’infini
Qu’on ne se leurre pas, si le recyclage est bienvenu, il n’est aucunement la solution. En effet, le plastique, contrairement au verre, n’est pas recyclable à l’infini. Il ralentit donc simplement la mise en décharge ou l’incinération des plastiques.
Il convient plus de parler de « décyclage » que de « recyclage », car il ne s’agit pas d’une boucle fermée. Il ne s’agit aucunement d’une « économie circulaire » comme s’époumonent à le dire certains.
De plus, le recyclage est énergivore, consommateur d’eau et de produits chimiques en tout genre. Comble du comble, le grand public a récemment découvert « le pot aux roses » des déchets triés pour le recyclage : les plastiques ayant peu de valeur sont envoyés massivement vers les pays émergents, constituant un autre scandale environnemental et sanitaire.
Des fausses solutions à foison
On voit à présent émerger un certain nombre d’initiatives à travers le monde, qui semblent positives de prime abord mais qui ne règlent le problème qu’à court terme.
Prenons l’exemple des routes faites de plastique. Quand on sait que l’abrasion des pneus est une source majeure de production de micro-plastiques, qu’en sera-t-il de l’abrasion des pneus en plastique sur des routes en plastique ?
Attention aussi aux solutions miracles qui laissent à penser que nous pouvons continuer ainsi sans changer nos modes de vie, comme la « solution » de « l’enzyme mangeuse de plastique » !
Gare aussi au « greenwhashing » ambiant qui met en avant les plastiques soi-disant « biodégradables » et la pléthore de « bioplastiques » d’origine végétale. D’une part la réglementation autorise l’ajout de 60 % de pétrole dans les bioplastiques ; d’autre part, cultiver du blé́, du maïs ou du manioc pour créer des bioplastiques jetables est une hérésie, car cela entre en concurrence directe avec la production alimentaire humaine.
La seule solution pérenne : produire moins de plastique
Pour conclure, le meilleur déchet sera toujours celui qui ne sera pas produit. Il est grand temps de couper le robinet plastique à la source, car 80 % des déchets marins sont d’origine terrestre. Il s’agit de la condition sine qua non pour que les nettoyages des océans soient efficaces, sans quoi cela reviendra à écoper un évier bouché à la petite cuillère avec le robinet toujours ouvert !